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Raconter sa vie dans un livre, un exercice pour tous ?

Rédigé le Vendredi 20 Novembre 2015 à 19:06 | Lu 524 fois


« Ma mémoire est un panorama ; là viennent se peindre sur la même toile les sites et les cieux les plus divers avec leur soleil brûlant ou leur horizon brumeux ». (François-René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe)


Aujourd’hui, chacun de nous peut envisager d’écrire ses mémoires. Il est loin, très loin le temps où seuls des êtres avec le niveau intellectuel de François-René de Chateaubriand. Loana (qui aurait pensé écrire « Loana » et « Chateaubriand » dans le même paragraphe d’une chronique littéraire ?) a fait paraître un livre sur sa vie avant même ses vingt-cinq ans, par exemple. Le fait de partager sa vie jusque dans les moments les plus intimes, pour une personne célèbre, est de moins en moins un problème. A tel point qu’on s’étonnait que des personnes comme Charlotte Rampling aient mis autant de temps à se dévoiler. « Qui je suis », ni roman ni biographie, qui est sorti cet automne.

Si tout le monde peut écrire sur sa vie, de nombreuses questions se posent sur l’idée d’une telle démarche, très personnelle, et ce qu’on en attend, en tant que lecteur ou auteur.

 

On écrit pour soi ou pour les autres ?

 

Une personne au crépuscule de sa vie se dira qu’elle laisse derrière elle un témoignage, une pièce du puzzle de l’histoire familiale pour sa descendance. Peut-être qu’elle révèlera un secret, qui sera lu après sa disparition. Quelque part, la première intention sera ainsi souvent d’écrire pour les autres.

En réalité, l’écriture, au début ou au fur et à mesure, devient un besoin pour soi. Se défouler, se confier sur un épisode douloureux, rendre des comptes, remettre certaines personnes à leur place, mettre de l’ordre, donner sa version… C’est aussi pour soi qu’on entreprend une telle démarche.

Dans le cas d’une personne célèbre, au-delà de l’opportunité de gagner un peu plus d’argent en fin de carrière, l’idée peut également être de garder le contrôle sur les épisodes de sa vie qui pourraient être racontés par un autre, dans une biographie qu’on ne maîtrisera pas et qui ne nous ressemblerait peut-être pas assez.


On écrit sur soi ou sur les autres ?

 

Attention, des mémoires, ce n’est pas seulement « moi, ma vie, mon œuvre ». Il faut être prudent. On pense n’engager que soi, lorsqu’on écrit sur sa vie. Mais, à partir du moment où le produit final risque d’être lu par au moins une bonne partie du cercle familial et des amis proches, il s’agit de se rendre compte que relater sa vie, à moins de n’avoir eu aucune interaction sociale avec qui que ce soit et d’avoir vécu en ermite, implique de raconter les autres. Les parents, les professeurs, les anciens camarades de classe… ces personnages du passé y passeront, et cela, à priori, ne posera pas de problème. Mais l’épouse ou l’époux, les enfants, les frères et sœurs, amis, voire relations de travail, représentent des lecteurs qui pourraient s’offusquer de certains propos, ou se sentir attaqués.

Dès lors, sans tomber dans l’autocensure, la prudence et la délicatesse sont de mise. Si on laisse un livre derrière soi, l’entourage doit avoir compris la démarche avant de s’aventurer dans la lecture, quitte à décider à l’avance de ne pas lire nos mémoires. Il serait bien triste que le dernier souvenir laissé soit amer.

 

Qui le lira ?

 

On l’a dit, dans la plupart des cas, les mémoires sont destinées à ceux qui connaissent l’auteur. Regarder dans le rétroviseur familial et replonger dans l’enfance et la jeunesse de nos parents sera forcément enrichissant. Parallèlement, on « connaît » en quelque sorte Michel Sardou ou Jacques Higelin, donc on pourrait être attirés par la lecture de leurs mémoires.

Mais pour vouloir lire le récit de vie d’une personne inconnue, il faut autre chose. Soit l’histoire sert de témoignage pour informer et sensibiliser un public large, comme les récits de victimes de maladies, de la guerre, d’accidents, ou ayant connu des parcours hors normes et accompli des exploits méconnus ; soit la qualité d’écriture est telle qu’une maison d’édition, pour peu qu’elle ait l’occasion d’avoir le livre sous les yeux, décidera de le publier.

 

 

Il faut ainsi toutes proportions garder. Se mettre à écrire ses mémoires nécessite le fait d’être prêt à déballer sa vie, parfois en romançant, mais en se mettant à nu d’une manière ou d’une autre. On accèdera à la postérité, en quelque sorte, en lassant une trace, une vérité unique, qui sera lue par ceux qui nous ont connu ou ont cru nous connaître. Mais à part dans de rares exceptions de succès auprès du grand public, ce qui doit rester à l’esprit de celui qui tient la plume, c’est que ses pages resteront une sorte de secret partagé dans la famille et prendront un peu la poussière au fil du temps, mais auront permis de répondre à la question « Qui suis-je » pour reprendre en substance le titre du livre écrit sur Charlotte Rampling. Les mémoires sont un miroir, non un projecteur.



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